Le concept de logologie dans la première et seconde sophistique
‘’Ce n’est pas le discours qui commémore le dehors, c’est le dehors qui devient révélateur du discours’’.
Du non-étant ou De la nature. Gorgias, par Sextus Empiricus
– Il s’agit non pas d’explication, le mot sent trop son pédagogue, mais d’interprétation. Ce n’est pas la même chose. La vérité, puisque c’est d’elle surtout que nous allons parler, n’appartient pas à Philostrate. Le tableau est là, qu’il interprète; il est son médiateur.
– Le tableau es la, dit l’Autre, en sommes-nous surs?
– Taisez-vous, luis dis-je ; et n’allez pas si vite. Considérez d’abord que Philostrate vous le met devant les yeux. – Oui mais si le tableau n’existe pas? – Il existe bien d’une certaine manière puisque le discours vous le ressuscite et vous met des formes devant les yeux. – Oui, mais si ce n’était que fiction? – L’art, cher ami, n’est-il point fiction? – Oh! que voilà bien du sophiste!
(Jackie Pigeaud. Les Loges de Philostrate. Paris, Les Belles Lettres, 2012. P. 12)
Introduction
Nous avons d’un côté une première sophistique, celle des sophistes classiques, qui fut l’élément moteur de ce qui est maintenant connu comme l’Époque des Lumières en Grèce. Zeller, mentionné par Guthrie, écrivait (ZN, 1432) : « tout comme nous, Allemands, aurions pu difficilement avoir un Kant sans le siècle des Lumières, de même les Grecs auraient pu difficilement avoir un Socrate et une philosophie socratique sans la sophistique »[1]. D’un autre côté, plus de six siècles après, nous avons la seconde sophistique qui s’installe dans une période caractérisée par le déclin d’un intérêt théorétique autonome et par l’importance de la dimension persuasive du discours philosophique, ce qui donne place aux sophistes et rhéteurs dans la transmission du savoir. D’où procède l’identification du savoir philosophique à une forme de paideia dont l’objet privilégié est l’homme, considéré dans ses relations avec lui-même, avec la connaissance, avec la vie… Mais quelle est la différence entre ces deux sophistiques ? Qu’ont-elles en commun ? Quelle est la différence entre Gorgias, fondateur de la première selon Philostrate, et Eschine, fondateur de la seconde, qui étaient presque contemporains mais appartiennent à de sophistiques distinctes selon Philostrate? Ce travail vise entre autres à clarifier le pont possible entre ces deux mouvements, un pont dans lequel le concept de logologie joue un rôle clé, comme on verra.
Nous trouvons dans la période impériale un nouveau type de philosophe, dit Brancacci, défini par sas taches morales et politiques, et par des formes langagières et moyennes littéraires : Ce modèle se situe à mi-chemin entre Socrate et Ciceron[2]. Cette citation renferme une synthèse entre la dimension philosophique et la dimension rhétorique, qui, selon Brancacci et Cassin, sur qui cette présente étude s’appuie, n’a jamais été pris en considération par les historiens de la philosophie. Brancacci et Cassin croient que l’historiographie moderne, fondée sur un concept univoque de philosophie, a toujours défendu dans cette période l’existence unique d’une «philosophie impériale come éclecticisme» dans une «époque de décadence ».
Nous consacrons la deuxième partie donc à approfondir sur les notions de philosophie, rhétorique et sophistique dans cette période impériale, et le rôle du concept de logologie dans l’évolution du concept de rhétorique de Platon à Quintilien. Dans la troisième partie on analyse brièvement les Vies des Sophistes, ou apparaît pour la première fois l’expression seconde sophistique, nommée et décrite par Philostrate, et qui devient clé pour notre analyse.
Dans la quatrième partie, à titre d’exemple, nous énumérons brièvement plusieurs éléments typiquement sophistiques contenus dans l’œuvre de Lucien. Comme nous expliquerons, il répond bien aux caractéristiques plus communes de la seconde sophistique, mais aussi son caractère critique et satirisant font de lui un cas particulier qui nous fait analyser avec lui sa propre génération.
I. La Seconde Sophistique. Une Brève introduction au concept.
Même s’il s’agit de la période de l’histoire grecque la plus documentée, il n’y a aucun consensus fort parmi les savants modernes quant à la définition de la Seconde Sophistique, hormis un sens vague de la période de création littéraire localisée dans la culture grecque des trois premiers siècles de notre ère. Bien que l’expression Seconde Sophistique soit largement utilisée, les sens qui lui sont attribués divergent souvent radicalement. L’expression est originaire de Philostrate, et apparaît pour la première fois dans son œuvre Vies des Sophistes[3]. Comme nous le verrons plus tard dans la troisième partie de ce travail, la Seconde Sophistique représente pour lui une sorte de deuxième vague de sophistes, composée de lumineux artistes spécialisés dans l’oraison “épidictique”, et qui viendra immédiatement après les anciens sophistes – juste après la première vague on dirait depuis cette perspective, et qui s’étend jusqu’à l’époque contemporaine de Philostrate -, en répondant à de nouvelles caractéristiques, mais aussi avec d’autres en commun avec l’ancienne. Le champ d’application de l’expression Seconde Sophistique pour Philostrate est plus étroit que celui qu’on trouve dans de nombreuses œuvres d’études modernes, ce qui peut créer certaines confusions[4].
L’une des principales ressources utilisées pour développer la présente étude, a notamment été la Seconde Sophistique de Whitmarsh[5], et pour lui, l’expression répond plus à “the absolute centrality of display oratory to elite Greek culture of the first centuries of our era”. Cet auteur illustre la subjectivité de l’expression en mentionnant le cas représentatif d’Aristides qui avait clairement refusé d’être sophiste, mais qui apparaît malgré tout dans la compilation de Philostrate[6].
Nous verrons les deux significations. La première, l’expression originale de Philostrate, sera étudiée plus en profondeur selon les commentaires de Barbara Cassin et Aldo Brancacci[7]. Cette perspective ‘philostratienne’ nous aide à entrevoir les caractéristiques les plus purement sophistes qui peuvent avoir influencées les orateurs et écrivains de l’époque impériale. Le deuxième sens du terme, plus général, nous aide à décrire le style littéraire de cette période, que ce soit ou non influencé par les premiers sophistes.
II. La mise en fiction de la logologie et l’effectivité de la rhétorique
a) La mise en fiction de la logologie
Dans L’Effet Sophistique[8], la logologie et sa postérieur mise en fiction se montrent comme éléments clé pour comprendre le lien entre la première et la seconde sophistique, depuis la mentionnée perspective de Philostrate. D’abord, il faudrait clarifier ce qu’est la logologie, un terme utilisé à d’innombrables reprises dans ledit ouvrage dont l’auteur reconnaît avoir emprunté à Novalis[9]. Il s’agit donc d’un concept fortement lié à tout le mouvement sophistique et à sa position comme une alternative à l’ontologie traditionnelle, et qui devient également essentielle pour comprendre l’essence de ce qu’on appelle seconde sophistique, et comment elle se fonde dans la première.[10]
La sophistique, avec ses prestations discursives, prend position contre l’ontologie et se présente comme esquive de la métaphysique et alternative, dès les présocratiques, à la lignée classique de la philosophie. Aristote, en faisant équivaloir exigence de non-contradiction[11] et exigence de signification, parvient à marginaliser les réfractaires et à les reléguer, “plantes qui parlent”, aux confins non seulement de la philosophie, mais de l’humanité.[12]
Pour Heidegger, les Présocratiques, y compris Anaximandre, Héraclite, et Protagoras, sont tous et toujours perçus comme étant décisivement parménidéens. Avec le Parménide de Heidegger, le matin grec installe au cœur de l’aletheia une coappartenance entre l’être, le dire et le penser qui constitue l’espace même de ce qui s’appelle pour les siècles “ontologie”.[13]
Avec le Traité du non-être de Gorgias, quelques décennies après le Poème, ce rapport entre l’être et le dire disparaît : Gorgias manifeste comment le poème est lui aussi, lui d’abord, qu’il le sache et qu’il le veuille ou non, une performance discursive. La phrase suivante du Traité du non-être de Gorgias dans la version de Sextus, mentionné aussi par Barbara Cassin, précise très bien le rapport qui s’instaure entre le discours sophistique et le monde, et la perception de l’ontologie comme discours :
“Ce n’est pas le discours qui commémore le dehors, c’est le dehors qui devient révélateur du discours”. [14]
On voit donc une autonomie performative du langage et sur l’effet-monde qu’il produit. La sophistique traite des pragmata, elle va aux choses mêmes[15]. L’être, de manière radicalement critique par rapport à l’ontologie, n’est pas ce que la parole dévoile, mais ce que le discours crée. Voilà ce qu’on appelle logologie et on trouve ici le lien plus fort entre tout ce que Philostrate décrit comme sophiste, et la raison pour laquelle la première et la seconde sophistiques sont toutes deux sophistiques. Le pouvoir performatif de la logologie, son effectivité, se montrent évidentes notamment dans le champ politique de Grèce[16].
Afin de bien comprendre le pont établi entre les deux sophistiques et voir comme un tout la première et la seconde sophistiques, il faut aussi suivre l’évolution du concept de la logologie à travers du rapport de la philosophie à la littérature via la rhétorique, c’est-à-dire, sa mise en fiction.
Cassin, dans le geste aristotélicien d’exigence de non-contradiction et d’exigence de signification, dit qu’Aristote crée deux types d’extériorité, deux autres manières de parler, où on trouvera déjà l’espace qu’occupera la fiction. Le premier type d’extériorité serait la manière impossible (‘’une plante qui parle’’), ça veut dire qu’on parle sans signifier, en proférant des sons sans égard au sens. C’est ce que Cassin définit comme signifiant sans sens.
L’autre type d’extériorité serait le sens sans référence[17] puisque la décision du sens est faite pour bloquer la transitivité entre l’être et le dire, elle ouvre et régularise la possibilité qu’on puisse dire des choses qui ont un sens, sans dire pour autant des choses qui existent. Et c’est ici, dans cette extériorité de sens sans référence, qu’on trouvera la fiction, au moment où la sophistique est reléguée dans le hors-philosophie par excellence, dans la littérature.
b) L’effectivité de la rhétorique
C’est Quintilien qui développera davantage cette nouvelle optique de la rhétorique en tant qu’art performatif, et qui donnera à la rhétorique tout l’espace de l’authenticité et la vérité qu’occupait avant la philosophie, comme nous verrons : Faute de pouvoir être orateur, on devient non pas pseudo-orateur, mais pseudo-philosophe (…) Tous les philosophes finissent par se diviser en deux classes : les pseudo-philosophes, et les authentiques orateurs.[18]
Mais, qui parle de rhétorique[19] sophistique? D’où vient le terme ‘rhêtoriquê’? Cassin explique les intérêts stratégiques de l’utilisation du terme rhêtoriquê en citant Schiappa[20] ainsi que son origine platonicienne (au point que le dialogue Gorgias aura pour sous-titre Peri tês rhêtorikês).
En effet, tel que nous avons vu lors du séminaire sur Edward Schiappa, la dichotomie rhétorique-philosophie est un préjudice de la philosophie traditionnelle qui se donne depuis Platon. Quand Gorgias écrit le Traité sur le non-être, dirait Schiappa, il n’y avait pas cette dichotomie.[21]
Quintilien explique ce que nous appelons le triomphe de la rhétorique ainsi que le conséquent déplacement de la philosophie que nous venons de mentionner. Il s’appuie sur différents arguments que nous expliquerons brièvement, car ils sont clés pour comprendre comment la rhétorique devient sagesse, soit par la puissance créatrice qui caractérise les sophistes[22], ce qui est donc essentiel pour la mise en fiction de la logologie que nous verrons après.
Quitilien oppose l’effet à l’intention par de maintes arguments dont : Philosophia enim simulari potest, eloquentia non potest, ‘’La Philosophie peut se contrefaire, pas l’éloquence’’. En d’autres termes : Il peut y avoir de la fausse philosophie, de prétendues philosophes (on peut faire semblant d’être philosophe quand on ne l’est pas), mais il ne peut y avoir de fausse éloquence, de pseudo-orateurs. Le secret de la victoire de la rhétorique, c’est de réinterpréter sa faveur le leitmotiv critique de la philosophie contre ses alter ego, renversant ainsi la problématique profondément platonicienne de l’imitation : ce qui est à imiter est bon, mais l’inimitable est encore meilleur.[23]
Donc, l’orateur n’est pas jugé selon son intention, mais selon son acte. L’intention, qui fait le fond de toute accusation d’hypocrisie, est toujours installée dans la différence entre être et apparaître, et reste par nature douteuse, soupçonnable. L’effet contraire, surtout quand nous le perçevont ou nous le comprenons l’entend comme Quintilien non seulement en termes d’effectivité pour l’orateur (l’acte de bien parler), est toujours index sui. Le fait de considérer l’effectivité et non plus l’intention, voilà qui bouleverse le rapport possible à la simulation : le philosophe cherche, l’orateur trouve, et sans doute peut-on faire semblant de chercher, mais pas de trouver. [24]
L’orateur est vir bonus dicendi peritus, alors semper bene dicet (23). Quintilien reprendra cette célèbre phrase de Caton : On ne peut pas bien dire sans être bon (II, 15, 34) qu’il voudra démontrer démontrer avec le principe de non-contradiction : “Je ne dis pas seulement que, pour être orateur, il faut être homme de bien, mais qu’on ne sera même pas orateur si l’on n’est homme de bien”, tout simplement “parce qu’un même homme ne peut être à la fois bon et méchant”. Puis il attribuera donne à cette revendication du bien une valeur éthique et morale, car un vir bonus es “quelque chose comme un sage romain” (Romanum quendam (…) sapientem, XII, 2, 7) [25]
Comme nous l’avons déjà expliqué, Quintilien défend que la rhétorique est un art, et sa finalité se trouve dans le même résultat, dans l’effet (in eventu, 23 ; in effectu, 25). Même dans le cas d’échec, l’orateur vise à “bien dire”, il a la bonne intention du sage romain, donc la rhétorique a nécessairement toujours le bonheur d’atteindre sa fin, car la fin réside dans l’acte même (in actu posita, non in effectu).[26]
“Cette réponse a de quoi laisser l’adversaire sans voix” dirait Quintilien. La rhétorique gagne en effet sur tous les tableaux à une philosophie qui est imitable et imitée.[27] La philosophie, qui toujours cherche où dans tous les cas, affecte de chercher, n’est jamais en possession d’elle-même, et c’est d’ailleurs pourquoi elle est si facile à imiter. La rhétorique au contraire, inimitable en acte, serait, non de la philosophie, mais de la sagesse. On parle d’acte, et cet acte ne peut pas rester dans l’intention. Les intentions peuvent être empêchées, détournées, mais l’acte au contraire, comme dirait Aristote, cité par Cassin dans ce texte, energei : c’est toujours déjà un passer à l’acte, bref, il est. Quand l’orateur “agit”, son discours, prononcé et entendu, quelle qu’en soit l’issue, est en soi seule vertu. On trouve ici la sagesse stoïcienne, toute et toujours en acte, qui, réélaborant le modèle de la philosophie pratique aristotélicienne, donne à Quintilien de quoi concurrencer victorieusement la philosophie platonicienne, et sa mauvaise image de la rhétorique. La rhétorique cumule ainsi la finalité externe de la poiêsis et de la tekhnê avec la finalité interne de la praxis, l’hétéronomie avec l’autonomie, l’efficacité et l’effectivité.
III. La seconde sophistique de Philostrate : du discours au palimpseste
i. Tout est sophistique : La fusion de rhétorique et poésie
Comme nous venons de le voir, Quintilien, place l’éloquence, avec une utilisation sophistique, à la place de la philosophie, en empêchant une nouvelle tournure : c’est la victoire de la rhétorique latine. Cependant, près de deux siècles plus tard, Philostrate, en grec[28], met la rhétorique et la philosophie sous la prédominance de la sophistique. Ceci caractérisera donc la Seconde Sophistique : qu’il n’y a plus que de la sophistique.
La Seconde sophistique est définie par Philostrate dans le prologue de sa Vies des Sophistes, comme nous le verrons sous peu. Certains critiques ne reconnaissent pas la grande valeur littéraire ou éducative de ladite oeuvre. Par ailleurs, ils jugent qu’elle comporte peu de précisions et qu’il y a un manque de conscience historique. Par conséquent, il faudrait faire preuve de méfiance à l’égard des faits et des anecdotes qui y sont décrits[29]. Nous croyons que quelle que soit la lecture que nous faisons, il est certain que Philostrate a établi un nouveau concept de sophistique. Ce dernier se fonde sur une vision qi peut être comprise comme cohérente et bien structurée, et qui aide énormément à connaître l’impact philosophique et aussi littéraire de la sophistique à ce jour.
Comme nous le verrons dans cette section, Philostrate est parvenu à unir tous les ”genres” ou ”tendances” sur un même concept de pratiques discursives, à savoir, tout est sophistique. La séquence elle-même et l’ordre des Vies des Sophistes ne respecte pas une chronologie claire (elle est même soupçonnée d’avoir fragments manquants), et peut faire aussi penser dans quelque sorte de ”collage”. [30]
Nous entrons de cette façon dans un monde où la philosophie est déjà nomothète[31] et n’impose plus de critère, de sens ou de temps. La sophistique devient alors responsable de cette tâche. Nous pouvons maintenant nous demander quelle est la différence, dans ce nouveau schéma entre la littérature et la philosophie, car avec le triomphe de la rhétorique sophistique, nous entrons dans un espace totalement littéraire. Cette fusion littéraire, caractérisée par une rhétorique ‘’poétique’’, a un sens de ‘’faiseuse’’, ‘’productrice’’, est certainement ce qui s’opère avec la Seconde Sophistique.[32]
Ceci, bien sûr, s’oppose à la vision traditionnelle qui sépare la littérature de la philosophie. Dans tous les cas, au cours de cette période de l’antiquité tardive, une période de grande créativité issue de l’exercice rhétorique s’ouvre. C’est le moment de la naissance de la biographie, l’autobiographie, la doxographie, l’historiographie, la critique littéraire et enfin, le roman lui-même. Voyons comment Philostrate interprète l’évolution de la Sophistique de l’Antiquité jusqu’à son époque, et comment le concept de Seconde Sophistique prend forme.
ii. Les trois groupes de sophistes selon Philostrate
Philostrate crée au début de Vies de sophistes trois groupes distincts d’orateurs, dans un tableau exhaustif de la sophistique de toutes les époques et sous toutes les formes.
a. Les doxosophistes ou les philosophes-sophistes
Philostrate, comme annoncé au début de l’épître dédicatoire des Vies des sophistes[33], dédie le premier livre aux penseurs qui ‘’furent considérés comme des sophistes, alors qu’eux-mêmes s’étaient consacrés à la philosophie (tous hoúto kuríos prosrethéntas sophistás)’’.[34]
Cette dichotomie (authentiques sophistes vs Doxosophistes ou philosophes-sophistes) détermine la ligne à suivre des Vies, et c’est le premier groupe qu’étudie Philostrate. Par ailleurs, cette catégorie a été dessinée surtout pour Dion de Pruse et son élève, Favorinus, du premier et second siècle de notre ère, sur lesquels Philostrate écrit plus et beaucoup plus en détail que le reste de philosophes-sophistes (il décrit son art oratoire, art du temps, de la contradiction ou du son, improvisation, sens de la répartie de la joute, paradoxes, etc..).
b. Les sophistes au sens propre.
Philostrate termine la section dédiée aux doxosophistes de la manière suivante: ‘’voilà tout ce que j’ai à dire sur ceux qui philosophent avec la réputation de pratiquer la sophistique (en doxêi tou sophisteusai). Voici maintenant ceux qui ont reçu le nom de sophistes au sens propre (kuriôs prosrêthentes sophistai)’’ et il traite ensuite de dix-huit ‘’sophistes au sens propre du mot’’, anciens et modernes. Le second livre des Vies est également consacré à ces derniers. Nous retrouverons dans ce groupe, composé des deuxième et troisième groupes, tous les sophistes[35], anciens et modernes. Il sera dans la différentiation de ces deux que nous trouverons l’acte de naissance de la seconde sophistique[36].
La différence fondamentale se trouve dans les sujets de dissertations, ce qui détermine une différence de contenu et de forme. La Première sophistique traite des mêmes questions que la philosophie : la morale, la religion et la cosmologie. Il s’agit de dissertations macro-logiques sur un ‘thème’ ou ‘thèse’, sur une question soumise à examen, une question indéfinie. La seconde va plus en détail, à un objet spécifique, à la description des pauvres, du tyran, ou des choses qui apportent à l’histoire, avec un sens rhétorique, beaucoup plus précis. L’hypothèse est une question définie qui implique des personnes, des faits, du temps… Tire de ce que l’histoire apporte et rapporte, les cas qui rentrent ainsi sous un nom[37]. C’est lors de cette transition à l’hypothèse où nous trouverons l’explosion littéraire qui se donne dans ce moment historique et pendant lequel une multitude de genres littéraires apparaissent, y compris le roman. Cassin voit ici dans cette transition sophistique un passage entre l’enthousiasme Antique et la responsabilité littéraire moderne.
Avec la Première Sophistique, l’ancienne, on passe de la nature au discours. L’être est un effet de dire, comme indique le terme logologie, où le dire effectue le monde (avec, notamment, Gorgias dans le Traité du non-être). Par opposition à l’ontologie (et comme conséquence poussée du Poème de Parménide), le sophiste ancien ‘’parle’’ ‘’en sachant’’ et ‘’comme s’il savait’’,[38] avec la seconde sophistique, la moderne, on passe du discours au palimpseste, et il devient loisible de donner congé à la Poétique. [39]
Nous retrouvons dans la premier le concept de Rhêtoriquê philosophousa au début du livre I les dires de Philostrate : On doit considérer l’ancienne sophistique comme une rhêtoriquê philosophante’ [40]. Alors que la Seconde, en suivant la terminologie de Cassin, on aura une historousa-rhêtoriquê (rhétorique historisante). L’histoire se retrouve au lieu et à la place de la philosophie, subjuguée par la sophistique via la rhétorique : historia est quae philosophia fuit, et la philosophie reste donc hors du champ de la Seconde Sophistique.
Pour Philostrate, la philosophie est comme la ‘’mantique humaine’’, cependant l’ancienne sophistique c’est ‘’art prophétique’’ et ‘’oraculaire’’. Cassin dirait que les philosophes de Philostrate sont d’exotiques astrologues, car ils ‘’font des hypothèses à partir d’étoiles’’ (muriois asterôn stokhazomenoi) dit Philostrate, et les compare avec les Égyptiens, les Chaldéens et les Indiens : ils prennent la nature comme point de départ et tirent d’elle toute leur science.[41] Les sophistes au contraire ‘’ils font comme la Pythie’’, ‘’parlent d’abord, disent des mots pleins de noblesse (…) ne sont pas humains, mais démiurges : ‘c’est un style (idea) de ce genre, propre à leurs exordes, qui fait résonner d’avance une noblesse et une résolution dans le discours, et une claire saisie de l’être (eugeneian te (…) kai phronêma kai katalêpsin saphê tou ontos). ‘’[42]
Dans la seconde sophistique, nous avons donc l’histoire au lieu de la philosophie, et nous avons l’hypothèse au lieu de la thèse : la mimesis a changé de sens et nous avons une nouvelle acception du terme. Il ne s’agit plus de mimesis philosophique, mais d’une imitation de la nature, exaucée avec la tekhnê et la poiêsis aristotéliciennes ; nous parlons maintenant de mimesis sophistique, c’est-à-dire une imitation de la culture, une imitation d’ordre deux, telle que tout discours soit un discours de discours, à la manière des idoles d’idoles platoniciennes et des interprétations d’interprétations nietzschéennes.
iii. De Pseudos à plasma [43]
Cassin utilise cette terminologie pour représenter le changement de mimesis dans la transition d’une sophistique à l’autre. On passe de l’accusation de pseudo à la revendication de plasma. Pseudo c’est le faux, le mensonge, la conclusion trompeuse, feinte, fiction. C’est le pseudo négatif que la philosophie impute à la première sophistique. Le plasma est lié à tout ce qui est modelé, affecté, maniéré. C’est la fiction ou le pseudo qui est le produit de l’activité plastique, et c’est ce qui caractérise à la Seconde Sophistique.[44]
IV. La Seconde Sophistique chez Lucien
Dans l’oeuvre de Lucien de Samosate nous trouvons de nombreux éléments caractéristiques de la Seconde Sophistique, mais toujours exprimés à travers du genre de la satire ménippée. C’est un curieux mélange, parce que comme nous verrons, il satirise sur la seconde sophistique, dont il fait partie lui-même.
À titre introductoire de cette section, nous croyons pertinent de brièvement expliquer c’est quoi la satire ménippée. Ce genre littéraire prend son nom du philosophe Ménippe de Gadara (IIIe siècle av. JC). Toutefois, la vision d’ensemble du genre est développée dans le travail de Lucien, né vers 120 et mort après 180, dans la période de la Seconde sophistique qui nous occupe. La Satire Ménippée a exercé une grande influence sur la littérature chrétienne ancienne et sur la littérature byzantine, et le travail de Lucien répond totalement aux caractéristiques du genre. Ce sont des œuvres courtes, souvent destinées à ridiculiser les revendications de la sagesse, et aussi humoristiques, mais avec un point sérieux et éducatif, où les problèmes les plus graves sont traités avec légèreté d’esprit. La contribution à la modernité de la satire ménippée de Lucien est aussi indiscutable[45]. Ses dialogues caractérisent les délires humains perpétuellement destructeurs nourris en partie par les faux dieux que nous avons faits nous-mêmes[46].
Nous citons ci-dessous les éléments les plus représentatifs de la Seconde Sophistique que nous pouvons trouver dans l’œuvre de Lucien :
a. L’éclecticisme et le scepticisme
Il y avait un art que tous les Sophistes enseignaient, à savoir la rhétorique, et un point de vue épistémologique que tous partageaient, à savoir le scepticisme, selon lequel la connaissance ne pouvait pas être que relative pour le sujet qui perçoit.[47] Chez Lucien on trouve de nombreux éléments cyniques, mais sa position philosophique est aussi fortement sceptique, telle qu’il arrive chez les sophistes. Il s’agit surtout d’une position critique à la convention sociale et aux valeurs traditionnelles. Lucien revendique lui-même « l’éclectisme comme sa méthode » et « il se défend de n’avoir jamais attaqué la philosophie elle-même, mais seulement ses serviteurs serviles »[48]. Bakhtin, dans son étude de la Satire Ménippée, voit comme cinquième caractéristique du genre « mettre en critique tout ce qui est dogmatique pour arriver à une contemplation du monde sur la plus large échelle possible »[49].
Il semble que cet éclecticisme et cette approche sceptique, caractéristiques aussi du genre ménippée, sont donc influence du mouvement sophistique et de sa tradition oratoire.[50]
b. Critique à la convention sociale et aux valeurs traditionnelles
Dans l’œuvre de Lucien nous trouvons sans cesse de la critique sociale, une critique au comportement ordinaire, aux croyances traditionnelles, les stéréotypes, la croyance en faux dieux, etc. [51]
Barbara Cassin établit une continuation de la revendication de la physis entre la première et la deuxième sophistique : « L’hellénisme de la première sophistique, lisible au travers du ‘’barbariser’’ d’Antiphon et d’Euripide, comme dans le ‘’parler grec’’ du mythe de Protagoras, est lié à l’universalité de la loi et de l’institution politique, alors que celui de la seconde est lié, sans médiation et pour cause, à celle de la culture ; la ressemblance évidente est que l’une comme l’autre, loi et culture, ne prennent sens que par différence avec l’univers physique et l’universel naturel. » Nous trouvons dans les discours des sophistes un important contenu de critique culturelle[52]. Nous prenons, à titre d’exemple, le discours de Tyrannicide de Lucian, ce qui, comme dit Wihtmarsh, is not a simply pleasant diversion ; rather, it keeps alive the ancient memory of tyrants to serve the ideological needs of the present (the threat of local tyrannies was a real incitement to fear in the Greek cities of the Roman empire).[53]
On peut mentionner ici aussi l’une des caractéristiques les plus représentatives de la Satire Ménippée, le regard d’en haut. Cette position privilégiée est celle qui atteint le Ménippe de Lucien, qui transporte le lecteur à une vision critique dans le sommet de son monde actuel. De la hauteur, le personnage observe le ridicule de sa société, de ses actions quotidiennes, est envisagé, et cela se traduit par l’aspect comique de la Satire Ménippée.
c. Lucien comme revendication du plasma
Cassin illustre avec une des œuvres de Lucien – À Celui qui dit : Tu es un Prométhée en mots– la mimesis sophistique, le plasma, que nous avons déjà décrit dans la section précédente. Dans ce travail, Lucien, dans un exercice de critique littéraire naissante à l’époque, parle à un interlocuteur inconnu, à qui il explique sa technique de composition littéraire. La transposition et l’innovation sont expliquées par l’auteur, qui analyse la plasticité des différents genres littéraires et, depuis la perspective d’un ‘Prométhée créateur’ qui le suggère son interlocuteur. Il ‘’fictionne’’et critique en même temps les différents modèles de discours. Lucien dira qu’il ne crée pas ex nihilo comme Prométhée : en suivant la ligne de création de plasma de la seconde sophistique, il dit qu’il part d’un modèle précédent, dans ce cas, du dialogue et la comédie, en faisant un mélange qu’il juge adéquat[54]. On a donc ici le palimpseste de Cassin, c’est-à-dire une imitation de la culture, une imitation d’ordre deux, telle que tout discours soit un discours de discours.
d. La rhétorique historisante ou historousa rhêtoriquê
Nous avons vu comme avec la seconde Sophistique, l’histoire se retrouve au lieu de la philosophie, subjuguée par la sophistique via la rhétorique. Cassin se sert de Lucien de nouveau à titre d’exemple pour illustrer les concepts clés de la Seconde Sophistique. Dans Comment écrire l’histoire, Lucien nous parle du traitement rhétorique de l’histoire qui semble basculer entre les deux centres modernes d’enquête et de récit : d’une part histoire-enquête -notre science historique-, et d’autre part histoire-récit. Nous avons une dissertation qui jouerait aujourd’hui le rôle de la rhétorique avec l’histoire, que peut basculer entre science et fiction, ce que nous essayons actuellement de garder séparé[55].
Nous pourrions nous demander qui sont maintenant les historiens? Qui écrit aujourd’hui l’histoire? Dans une société totalement médiatisée, il semble clair que le discours historique est écrit par qui contrôle les médias. [56] Nous parlerions ici du rôle de la fiction logologique dans les structures du pouvoir, ce qui dépasse la portée de cette étude.
Dans tous les cas, le travail de Lucien est dirigé principalement au style rhétorique à utiliser pour écrire l’histoire.[57]
e. L’importance de soi
Il est bien connu que le début de l’Empire romain fut une période où l’accent a été mis sur les individus ainsi que lors de laquelle leurs obligations principales ont été conçus en termes de relation morale envers eux-mêmes plutôt qu’à la société dans son ensemble[58]. Cela donne à la Seconde sophistique une forme prédominante d’écriture de soi à travers la biographie, ce que les Grecs appellent bios. Dans Lucien, nous avons trouvé des exemples de Demonax, Alexander ou Le False Prophet et Peregrinus. Au deuxième siècle, le lien étroit entre l’autobiographie et l’apologie était plus intense, et Lucien était le maître de cette apologie autobiographique. Ses « bios» ne sont pas « autobiographiques » dans le sens de construire un récit cohérent et continu ; mais ils font un usage délibéré et conscient du genre de l’apologie pour construire un identifiant pour l’auteur en tant que figure transgressive sur les plans culturel et générique.
Un autre aspect de l’écriture du “soi” est l’autobiographie personnelle de l’auteur[59]. Dans le cas de Lucien, cet aspect autobiographique est plus complexe parce qu’il utilise ses personnages pour parler de lui-même dans ses œuvres[60].
It is hard not to agree with a commentator who writes that ‘despite the omnipresence of the ‘’I’’, Lucian’s work is … the inverse of autobiography’. P83. Quoting Saïd (1993), 270.
f. L’innovation
Dans les Vies des Sophistes de Philostrate, sophistes du deuxième siècle étaient des animateurs professionnels qui composaient régulièrement pour la fidélité du public qui s’attendait à une nouveauté constante dans une gamme très limitée.[61] L’innovation (kainon) était donc importante pour les sophistes pour s’assurer un auditorium. Parmi les œuvres sophistiques de Lucien, l’objet ou l’événement qu’il décrit – ainsi que la description elle-même – est souvent présenté comme « innovant ».[62]
g. Le récit allégorique
Les sophistes incarnaient le principe, tout comme notre théorie actuelle de la réception critique, que la signification littéraire n’étaient pas activée au moment où elle était transmise, mais losqu’elle était reçue[63].
L’inclusion de récits allégoriques était relativement fréquente dans les discours sophistiques. Dans l’oeuvre de Lucien on les trouve surtout dans les discours du prologue (dialexis ou prolaliai) [64]
V. Conclusion
L’essence du discours créatif de sophiste classique, comme une alternative à l’ontologie traditionnelle, persiste à travers de la rhétorique, qui non seulement décrit, mais aussi interprète, dans une sorte de mise en fiction de la logologie. La présente étude s’ouvre avec un bref fragment du dialogue tiré de l’œuvre intitulée Les Loges de Philostrate de Jackie Pigeaud qui s’est inspiré de La Galerie de tableaux de Philostrate. Nous croyons que ce dialogue représente bien le sujet principal de ce travail : le sophiste de la Seconde Sophistique ne fait pas d’explications, mais des interprétations. La vérité provient surtout de ce dont nous parlerons, dit l’un des personnages du dialogue, n’appartient pas à Philostrate. L’interlocuteur, depuis l’optique ontologique et son rapport entre l’être et le dire, se demande par l’existence réelle du tableau, et qui raconte le dialogue réponde depuis la logologie, et il dit qu’il existe bien puisque le discours vous le ressuscite et vous met des formes devant les yeux. Mais… Et si ce n’était que fiction?, demande l’autre de nouveau depuis l’optique aristotélicienne d’exigence de non-contradiction et de signification. L’art, cher ami, n’est-il point fiction? – c’est la réponse qu’il obtient, où se révèle la dernière conséquence de la logologie, et qui représente à la Seconde Sophistique parmi l’effectivité de la rhétorique.[65]
Ces formes d’éloquence et de persuasion conduiront à un nouvel univers littéraire dans lequel la philosophie est déplacée à une forme plus de discursivité. Philostrate dans ses Vies des sophistes, malgré ses éventuelles inexactitudes dans les données qu’il expose, nous offre une perspective qui définit clairement l’avenir de cette logologie alternative au logos ontologique. Comme nous avons vu avec Quintilien dans la deuxième partie, c’est à travers de la persistance de la rhétorique, concept originalement platonique, que la logologie prend la forme de fiction et qui se traduira, dans la période impériale de la Seconde Sophistique, à une gamme de styles littéraires parmi lesquels se trouvent déjà les premières formes de roman.
Dans le cas de Lucien, représentant clair de la Deuxième Sophistique, nous observons d’une part, que la Seconde a hérité de certains éléments de la sophistique ancienne, tel l’art de l’éloquence ou le caractère sceptique qui font partie de son style littéraire. D’autre part, grâce à son grand talent critique, nous reconnaissons qu’il nous offre aussi une analyse de deux concepts clés dans le statut sophistique du langage —la logologie —, à savoir, la historousa-rhêtoriquê (rhétorique historisante) et le plasma (l’activité plastique de la mimesis sophistique), les deux étudiés dans la troisième partie de ce travail.[66]
Bibliographie
– Barbara Cassin. L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995
– B. Cassin, Le plaisir de parler. Les Éditions de Minuit. Paris, 1986.
– Barbara Cassin, Positions de la sophistique. Colloque de Cerisy. Librairie philosophique J. Vrin. Paris, 1986.
– Graham Anderson. Lucian : theme and variation in the second sophistic. Revue des Études Anciennes, 1979
– Simon Goldhill. Being Greek under Rome: cultural identity, the second sophistic, and the development of empire. Cambridge University Press, 2006.
– W.C.K. Guthrie, Les Sophistes. Bibliothèque philosophique Payot. Cambridge University Press, 1971.
– Philostratus, Live of the Sophists, dans Live of the Sophists & Eunapius, Live of Philosophers. With an English translation of Wilmer Cave Wright. Harvard University Press. Cambridge Massachusetts, London England. First published 1921. Loeb Classical Library.
– Tim Whitmarsh, The Second Sophistic. Published for the Classical Association by Oxford University Press 2005.
– Les Sophistes, Vol I. GF Flammarion, Paris 2009.
– Jackie Pigeaud. Les Loges de Philostrate. Paris, Les Belles Lettres, 2012.
– Edward Schiappa: Interpreting Gorgia’s ‘Being’ in On Not-Being or On Nature. Penn State University Press, resource en ligne.
[1] W.C.K. Guthrie, Les Sophistes. Bibliothèque philosophique Payot. Cambridge University Press, 1971, p. 56
[2] Seconde Sophistique, historiographie et philosophie. Aldo Brancacci, dans Le plaisir de parler, sous la direction de B. Cassin. Les Éditions de Minuit. Paris, 1986.
[3] Pour ce travail, nous avons consulté l’édition en ligne : Philostratus, Live of the Sophists & Eunapius, Live of Philosophers. With an English translation of Wilmer Cave Wright. Harvard University Press. Cambridge Massachusetts, London England. First published 1921. Loeb Classical Library.
[4] ‘’It does not matter particularly that modern thought uses a term differently to ancient (…). Nor is there any difficulty in the fact that modern scholars themselves differ as to what it means. (…). What is problematic, though, is the ascription, explicit or implicit, of the term ‘second sophistic’ to Philostratus: this gives a misleading impression that we are seeing the world through ‘authentically’ ancient categories, uninflected by the culture-specific demands of the modern academy. If we are going to appropriate and reuse an ancient term, it behoves us to clarify the ways in which our own cultural politics have contributed towards reshaping it.’’ The Second Sophistic, by Tim Whitmarsh. Published for the Classical Association by Oxford University Press 2005, p. 5
[5] The Second Sophistic, by Tim Whitmarsh. Published for the Classical Association by Oxford University Press 2005.
[6] Let us consider briefly the case of Publius Aelius Aristides (CE c. 120-81). Aristides is included by Philostratus among his sophist (VS 581-5), though he claimed to be an orator not a sophist: not only does he use the term pejoratively on a number of occasions, but also he famously disavows the improvisation that was often thought of as central to sophistic epideixis, and refuses to charge fees to students. In one of these speeches, he distinguishes himself from ‘those execrable sophists’ (Oration 33.29), on the grounds that ‘I alone of the Greeks I know have set my hand to speeches not for the sake of wealth, relation, honour, marriage, or power; I am a pure lover of speeches, and have been fittingly honoured by them’ (33.20). Ibid, p. 18
[7] Barbara Cassin. L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995. L’étude sur Les Vies des Sophistes se trouve dans le chapitre L’acte de naissance de la Seconde Sophistique: Philostrate. P. 448
Seconde Sophistique, historiographie et philosophie. Aldo Brancacci, dans Le plaisir de parler, sous la direction de B. Cassin. Les Éditions de Minuit. Paris, 1986.
[8] Ibid. Deuxième partie du livre : Rhétorique et fiction.
[9] Ibid, p. 13
[10] « Mais si l’on repart du statut sophistique du langage –la logologie-, il devient possible d’établir entre première et seconde sophistiques une relation autre que d’homonymie ou de caricature. C’est alors le sens même du rapport de la philosophie à la littérature via la rhétorique que l’appréhension comme un tout de la première et de la seconde sophistiques peut éclairer ». Rhétorique et fiction (p. 409)
[11] Gamma de la Métaphysique d’Aristote (5, 1009, b12). Aristote réfute ceux qui prétendent avec Protagoras que ‘’tous les phénomènes sont vrais’’ et croient ainsi refuser de se soumettre au principe de non-contradiction.
[12] Barbara Cassin. L’Effet Sophistique. Gallimard, 1995, p.12
[13] Ibid, p. 13
[14] C’est l’interprétation de Cassin. Ici la traduction avec laquelle on a travaillé lors du séminaire : (85) Le discours n’est pas de qui met le dehors sous les yeux, mais c’est le dehors qui révèle le discours. Du non-étant ou De la nature. Gorgias, par Sextus Empiricus : Contre les professeurs, VII. 85. (DK et U B3). Les Sophistes, Vol I. GF Flammarion, Paris 2009, p.126
[15] Barbara Cassin. L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995.. p.. 23 et p. ou pp.23,24 24. Dans le sillage de Nietzsche et avec le plus récent Kerferd, insister sur l’anti-idéalisme des pragmata et considérer le moment sophistique comme un moment de lucidité de la philosophie, anti-platonicienne des avant Platon : aujourd’hui que nous ne cessons de prétendre renverser et dépasser le platonisme, c’est un moment à analyser et à savourer.
[16] (Pour Antiphon) les œuvres du sophiste-orateur font comprendre quel type de monde le logos crée. Le premier constat du Sur la Vérité n’est pas que ‘’est’’, mais que ‘’on citoyenne’’. La nature (que les papyri nomment ‘’ce à quoi l’on n’échappe pas’’, l’alêtheia justement) n’est plus alors que la résurgence du privé au sein du public, lui-même compris comme un accord de discours, exactement comme, pour l’orateur des Tétralogies, le vrai n’est jamais qu’un tour résurgent du vraisemblable. Une Grèce ou le lien rhétorique, performance après performance, constitue le politique, est une toute autre Grèce que celle où l’instance du politique est soumise à l’Être (la polis comme pôle du pelein, vieux mot pour l’einai, dit nettement Heidegger), au Vrai ou au Bien, Le politique grec, peut-être le politique tout simplement, est alors à instruire comme impact du logologique et non plus dans l’emprise de l’ontologie. Ibid, p. 13
[17] Voir les deux positions de la sophistique. Du sens sans référence (fiction), et du signifiant sans sens (homonymie). Ibid, p. 333
[18] Le masque du mépris. Ibid, p. 437.
[19] Cassin propose d’utiliser le terme discursivité au lieu de rhétorique. Ce dernier est dû à platonisme, tel que commenté (ne se trouve pas avant Platon). Pour Cassin discursivité semble plus approprié parce que c’est une activité qui vise au logos.
[20] ‘’Une partie du pouvoir rhétorique du Gorgias de Platon – note Shiappa (1992, p.9) – est qu’il persuade le lecteur que le réfèrent objectif de rhêtoriquê se trouve là depuis un certain temps’’ Cassin conclut, à la lumière des évidences, que la rhétorique est une invention de l’ontologie pour domestiquer le temps dans le discours, et pour passer, dit-elle, ‘’du fil de l’à suivre et de la saisie du kairos, pointe du temps, au topos et aux topoi, lieux du nien parler’’ L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995. p. 435
[21] Edward Schiappa: Interpreting Gorgia’s ‘Being’ in On Not-Being or On Nature. Penn State University Press, ressource en ligne.
[22] Dans le cas de la Seconde Sophistique, ça serait à partir de la revendication de plasma, la force fictionnelle propre à la littérature, qu’on développe dans la troisième section. C’est ce que Cassin appelle la transition du faux ou du mensonge à la fiction. (voir Le plaisir de parler, de Barbara Cassin. Les Éditions de Minuit, 1986 Paris. p. 5-30
[23] Barbara Cassin. L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995. P. 436
[24] Ibid P. 437
[25] Ibid. P. 442
[26] Mais dans un autre sens, qui vient à point pour relayer le premier en cas d’échec, l’orateur vise à bien dire : lorsque le navire est drossé par la tempête, que le malade meurt, que l’accusé est condamné, la fin peut être encore et toujours remplie. Il suffit que le pilote ait tenu la barre droite, que le médecin ait agi selon les règles de l’art, que l’orateur ait bien parlé. Car la fin ne réside pas alors dans l’efficacité sur le réel, dans l’effet sur l’auditeur, mais purement et simplement dans l’effectivité pour l’auteur, dans l’acte même (in actu posita, non in effectu, 25). Ibid. p. 445
[27] Ibid. 446
[28] Les deux personnages clé de cette étude, Philostrate et Lucien, écrivaient dans grec attique, considéré dans l’art oratoire de l’époque le style le plus élégant.
‘’The Greek language as spoken by the less educated classes (and presumable by the educated classes too, in certain situations) had changed radically since the classical period: grammar, syntax, and phonology had been simplified to the extent that the ‘regular’ Greek spoken in the second century CE is considered by some scholars to have been closer to modern than to classical Greek. (…) Some imperial texts (…) are composed in a dialect that can be squarely identified as koine; others show all the signs of a coherent and consistent attempt to Atticize (e.g. the works of Lucian and Philostratus)’’. The Second Sophistic, by Tim Whitmarsh. Published for the Classical Association by Oxford University Press 2005. p. 42.
[29] Critique de Wilmer Cave Wright, dans l’édition Loeb (Cambridge, 1968), nous introduisait à la cour de Julia Domna, ”collage” où les ‘’mathématiciens’’ et les ‘’philosophes’’ dont parle Philostrate ne sont que des ‘’astrologues’’ et des ‘’sophistes’’ (p. X) ; étant donné ‘’la manière et la méthode exaspérantes de Philostrate’’ (p.XII), son manque ‘’du sens des proportions’’, on peut s’étonner, non pas que ‘’ses critiques littéraires soient en majeure partie sans aucune valeur, et que les citations qu’il nous demande d’admirer soient puériles’’ (p. XXI), mais que W.C. Wright juge bon de l’éditer – Ajoutera B. Cassin ironiquement. L’Effet Sophistique. Gallimard. 1995. p. 608 Note 58.
[30] Chapitre Tout le reste est littérature. Ibid. p. 470.
[31] On a vu comme Platon crée le concept de rhétorique et comme Aristote laisse les sophistes dans une externalité -les plantes qui parlent-. La Première sophistique est objectivé par l’ontologie traditionnelle. Cependant, nous voyons maintenant que, comme faisait Quintilien avec la rhétorique, c’est Philostrate qui exerce comme nomothète, c’est le sophiste même qui revendique son propre espace.
[32] Il convient de citer la mention intéressante de Cassin à Roland Barthes : Dans son article sur l’ancienne rhétorique, il insiste sur le fait que la rhétorique d’Aristote se définit par opposition à la poétique et que tous les auteurs qui reconnaîtront cette opposition pourront être rangées dans la rhétorique aristotélicienne. ‘’Celle-cessera, dit-il, lorsque cette opposition sera neutralisée, lorsque rhétorique et poétique fusionneront, lorsque la rhétorique deviendra une tekhnê poétique (de création).’’ Or, ajoute-t-il, ‘’cette fusion est capitale, car elle est à l’origine de l’idée même de littérature’’ Ibid, p. 471.
[33] ‘’Dedicated by Flavius Philostratus to the most illustrious Antonius Gordianus, Consul: I have written for you in two Books an account of certain men who, though they pursued philosophy, ranked as sophists, and also of the sophists properly so called; partly because I know that your own family is connected with that profession’’. (480) Philostrate. Loeb Classical Library. Ressource en ligne.
[34] ‘’Sophistes fut le nom que les Anciens (hoi palaioi) donnèrent non seulement à ceux des orateurs qui parlaient excessivement bien et s’illustraient, mais aussi à ceux des philosophes qui laissaient libre cours à leur expression : c’est d’eux qu’il me faut parler en premier puisque, sans être des sophistes, mais en le paraissant, ils gagnèrent le droit à ce nom’’. Philostrate, mentionné par B. Cassin. Ibid. P. 452
C’est curieux ici ce que Cassin appelle ‘’une réponse palimpsestique’’ de la seconde sophistique à Platon et Aristote, modèle et genre éponyme de la philosophie : Aristote dis dans Gamma 1 (1004 b27ss) que ‘’la sophistique est une philosophie seulement apparente, non réelle’’, ‘’elle paraît, mais n’est pas’’. Pour Philostrate au contraire, c’est des philosophes qu’il faut dire : ‘’ils ne sont pas des sophistes, mais le paraissent seulement’’. Ibid. p. 453.
[35] Donc, pour Philostrate, c’est important de souligner, les philosophes ou pseudo-sophistes (comme Dion et Favorinus) ou vraiment sophistes philosophiquement comme Gorgias ou historiquement comme Eschine : tous sont de sophistes :
“The men of former days applied the name “sophist,” not only to orators whose surpassing eloquence won them a brilliant reputation, but also to philosophers who expounded their theories with ease and fluency.” (484) Philostrate.
Brancacci, sur Philostrate, dirait qu’il voit à la Seconde Sophistique comme ‘’une expérience culturelle complète’’.
[36] ‘’Dans ce texte, c’est un véritable acte de naissance de la seconde Sophistique qui est formulé’’. Seconde Sophistique, historiographie et philosophie. Aldo Brancacci, dans Le plaisir de parler, sous la direction de B. Cassin. Les Éditions de Minuit. Paris, 1986.
[37] But the sophistic that followed it, which we must not call “new,” for it is old, but rather “second,” sketched the types of the poor man and the rich, of princes and tyrants, and handled arguments that are concerned with definite and special themes for which history shows the way. (481) Philostrate. Loeb Classical Library. Ressource en ligne.
[38]For it discusses the themes that philosophers treat of, but whereas they, by their method of questioning, set snares for knowledge, and advance step by step as they confirm the minor points of their investigations, but assert that they have still no sure knowledge, the sophist of the old school assumes a knowledge of that whereof he speaks. At any rate, he introduces his speeches with such phrases as “I know,” or “I am aware,” or “I have long observed,” or “For mankind there is nothing fixed and sure.” This kind of introduction gives a tone of nobility and self-confidence to a speech and implies a clear grasp of the truth. (480)
[39] L’effet sophistique. P. 449
[40] We must regard the ancient sophistic art as philosophic rhetoric (481)
Pour Philostrate, comme pour Aristote, les sophistes anciens et la philosophie ont le même objet, mais sur cet objet, la sophistique dialectise ou disserte (dialegetai), tandis que la philosophie reste dans une attitude ”d’embuscade” avec leurs questions, pour enfin dire ’qu’elle ne sait pas encore’ (voir note 37). Ceci est en parallèle avec la vision de Quintilien, à savoir, que la sophistique est en acte ce que la philosophie est seulement en puissance”.
[41] The method of the philosophers resembles the prophetic art which is controlled by man and was organized by the Egyptians and Chaldeans and, before them, by the Indians, who used to conjecture the truth by the aid of countless stars; the sophistic method resembles the prophetic art of soothsayers and oracles. (481)
[42] Dans Khrêstêriôdes (χρηστηριώδεç) ‘’oraculaire’’ et khrêsmos ‘’l’oracle’’ ; on a le radical khrês -, commun à khrêsis, ‘’l’usage’’ et à khrêmata : les ‘’choses’’ dont l’homme de Protagoras est mesure, comme on a vu dans le séminaire. L’interprétation de l’oracle est donc la mise à ma mesure de ce que j’entends, la métrétique humaine par excellence, dirait Cassin.
La question oraculaire est étroitement liée à la notion de logologie, au caractère démiurgique de la parole : Il oblige à mettre en avant la problématique de l’interprétation, comme suite logique de la performance discursive : le sujet parlant, l’auteur –le sophiste- est démiurge, et son monde requiert interprétation. Nous entrons, avec la fiction, le style, l’exégèse et la critique littéraire, dans l’ère de l’herméneutique :
« L’affection de la seconde sophistique pour les oracles et les rêves, les intérêts névrotiques d’AElius Aristide et la profusion des écrits sur les songes (…) n’indiquent pas simplement le refuge dans la superstition du syncrétisme ou du polythéisme débordé par un dieu unique ; il y va aussi de la sensibilité au performatif et au déchiffrement non moins performatif de la performance – sur le modèle de l’oracle : quand dire – lire, c’est faire. (…) Divin est le pouvoir du logos dans l’Éloge d’Hélène. » L’Effet Sophistique, p. 456
[43] Voir Du faux ou du mensonge à la fiction (de pseudo à plasma). Barbara Cassin. Dans Le plaisir de parler. Les Éditions de Minuit. Paris, 1986.
[44] L’accusation majeure de Platon et Aristote aux sophistes est de pseudo. Pseudos objectif : le sophiste dit ce qui n’est pas, le non-être, et ce qui n’est pas véritablement étant, les phénomènes, les apparences. Pseudos subjectif : le ‘’mensonge’’, il dit le faux dans l’intention de tromper en utilisanttoutes les ressources du logos, linguistiques logiques et rationnelles.
Cassin signale ici à la poésie comme premier point de friction ou de jointure entre pseudo et plasma, autrement dit, point de tension entre philosophie et sophistique. Du côté philosophique c’est son lien à la vérité, pas scientifique, mais inspiré par les muses. Du côté sophistique, par rapport au poiein, à la démiurgie discursive, impliquer du petit fait vrai, et avoir un style limpidement mimétique pour décrire l’impossible. Homère est le plus grand menteur du monde, dit Dion Chrysostome, parce qu’il ne sait pas soutenir ses mensonges jusqu’au bout. On peut savoir rien qu’à le lire quand il raconte et quand il invente.
L’effet sophistique, p. 474
[45] Voir Ménippean Satire Reconsidered, où Howard D. Weinbrot étudie en profondeur l’héritage du genre de nos jours. Aussi dans l’Antiquité Critique et Modernité, Narbonne étudie cet impact sur la Modernité dans la figure ménippée de Lucien : Ses écrits à teneur critique représentent en un sens le couronnement d’une longue tradition de pensée rebelle à l’univocité et dont on peut dire que l’œuvre, redécouverte au début de la Renaissance, a marqué à sa manière la modernité. (P.139. chap. IV. Du scepticisme ancien à la tolérance moderne : l’héritage paradigmatique de Lucien.)
À propos de la Satire Ménippée dans la littérature actuelle, Bakhtin dit: This carnivalized genre, extraordinarily flexible and as changeable as Proteus, capable of penetrating other genres, has had an enormous and as yet insufficiently appreciated importance for the development of European literature. Menippean satire became one of the main carriers and channels for the carnival sense of the world in literature, and remains so to the present day.
[46] On pourrait établir peut-être un parallélisme ici avec Prodicus et sa critique de la religion.
[47] L’empirisme et le scepticisme des Sophistes peuvent être mieux compris si on les oppose à leur adversaire le plus redoutable : l’idéalisme de Platon. p. 17 Guthrie
[48] Pp.158-165 Antiquité Critique et Modernité. Narbonne commente dans ces pages que le relativisme est un leitmotiv du discours lucianesque.
[49] Mikhail Bakhtin. Problems of Dostoevsky’s Poetics. Theory and History of Literature, Volume 8. University of Minnesota Press, Minneapolis, 1984.
[50] Lucian is an expert player of the game, always ready to redefine the rules to suit his purposes; and, what is more, he wants us to know what. That Lucian takes contradictory stances in his satires is not the result of intellectual casualness or lack of moral integrity; rather, it enacts the fundamental principle that the winners in the arena of literary performance are those who refuse to be bound by one set of rules. P 46.
[51] On comprend ici comme culture surtout la convention sociale: ‘Culture’ has shifted in use from an implication of a privileged body of artistic materials (and a set of attitudes surrounding them), which transcends localism and links the generations of civilized humans (…) to an idea of conglomeration of protocols, behavioural patterns, micro-social expectations and ideological formations. In its more general usage, this latter expression has affinities with Bourdieu’s ‘habitus’ (…): ‘a field articulating the life-world of subjects … and the structures created by human activity’. (…). Thus culture ‘is a description of a particular way of life which expresses certain meaning and values not only in art and learning but also in institutions and ordinary behaviour. Simon Goldhill. Being Freek under Rome. Cultural Identity, the Second Sophistic and the Development of Empire. Cambridge University Press, 2001, p.16
[52] Reading sophistic texts, turns out to be a much more challenging enterprise than is often allowed. These are not simply the trivial jeux of the idle rich: they are often culturally central works, and the audience are very much engaged in the process of meaning-making. Sophist were adept in the arts of ‘figuring’ speech, of the manipulation of personae and narratives to the situation in hand. The subtlety of the sophist–exquisite but elusive- is their greatest legacy; and, indeed, it had a wide impact on contemporary literature. P. 73
[53] 72
[54] Le style libre, hétérogène, propre des oeuvres de Lucien, c’est une des caractéristiques que Bakhtin donne à tous les genres sérieux risibles. Il y a une renonce au style unique de l’épopée, la tragédie, la haute rhétorique et le lyrique. Les histoires aurontune grande variété de tons. Cela conduit à une nouvelle relation radicale avec le mot en tant qu’outil ou matériel de littérature.
[55] Nous avons également connu des assauts du passé, de l’« histoire » elle-même, de « faits » revenus en quelque sorte à la surface et qui ont remis en question la contribution des historiens. Génocides déclarés ou non comme tels, revendications territoriales fondées sur des passées plus ou moins récents, revendications d’indépendance, propriétés dont la restitution était exigée au nom de droits « historiques ». Qu’il s’agisse des faits ou de leur récit, nous ne pouvons nous tenir à l’écart. André Hurst, Introduction à Comment écrire l’histoire de Lucien de Samosate. Les Belles Lettres. Paris, 2010, p. XI.
[56] On peut assigner à la rhétorique la place qu’occupe maintenant la publicité. Certes, l’art de persuader, souvent par des moyens douteux, n’était pas alors moins puissant et, tout comme nous avons nos écoles de commerce et de publicité, de même les Grecs possédaient des professeurs de politique et de rhétorique : les Sophistes, p. 58 Guthrie.
[57] (How to Write History tell us) a lot about the possibilities of identity-construction through language choice: certain styles of speaking could be marked (provisionally, strategically) as more ‘proper’, more ‘Greek’, than others. (p. 52)
In his How to Write History, he castigates those who mix poetic embellishments into their prose histories: ‘it is a thought you were to take one of those tough and altogether sturdy athletes and put him in a dyed dress, and a prostitute’s make-up, and daub his face with make-up and foundation’ (8). Lucian’s image appeals to the (supposed) constancy and self-evidence of sexual difference, reinforcing the boundary between proper (manly) and improper (slatternly) prose, p. 53.
[58] This oratorical culture impacted on the wider literary culture of Roman Greece, concentrating particularly on two features that are central to modern scholarship on the period: the supposed intensification of interest in the self (the inner, private person), and the apparently sudden emergence of prose fiction.
[59] In the highly sophisticated, self-aware literary culture that flourished alongside the Second Sophistic, writing or speaking about oneself was seen as a bid for status, repute, and ‘cultural capital’. Like the sophists (and indeed all the figures discussed in this section–Plutarch, Aristides, and Lucian- had been or were sophist), albeit through the different medium of the literary text, autobiographers were seeking to promote themselves in the world through the construction of a publicity orientated persona, p. 83.
[60] Lucian is at one level one of antiquity’s most periautological figures, to the extent that entire biographies have been reconstructed from his transmitted texts alone. (…) And yet, as recent scholarship has emphasized, Lucian’s ‘I’ is devious and elusive. In the dialogues, the satirical figure is never styled ‘Lucian’: the names that recur are ‘Lycinus’, ‘Parrhesiades’ (‘free-speaker’), ‘Momus’ (‘blame’), ‘Tychiades’ (‘Man of fortune’). Even in the non-dialogic texts, the name is only rarely disclosed. The various views that his narrator espouses are notoriously inconsistent. Indeed, the very question of where the author’s ‘true’ identity lies seems to entangle us in a web of complex but playful Lucianisms: after all, this is the same person who wrote, in a text entitled True Histories, that ‘the one true thing I shall write is that I am lying’ (1.4), p. 83.
[61] Lucian: Theme and variation in the second sophistic, p. 4
[62] On trouve dans la Seconde Sophistique de Whitmarsh plusieurs exemples.
The tyrant’s torture-chamber in Phalaris is innovative (kainos, Phalaris 1.11), as are some extravagant baths (kainos, Hippias 8), the way in which a defendant killed a tyrant (Tyrannicide 2, 22), and the madness suffered by a stepmother (Disowned 6), p. 37.
[63] The sophists. Tim Whitmarsh p. 65
[64] Lucian his ‘non sophistic’ (in the narrow sense) works, Lucian is well known for his narrative ability: not only in the exotic pastiche the True histories, but also in the story-trading dialogues Toxaris and The Lover of Lies. Among his more ‘sophistic’ works, however, narratives figure equally prominently.
Tim Whitmarsh continue avec quelques exemples où Lucian nous taquine la possibilité d’interprétations multiples de son allégorie, p. 65.
[65] Cassin utilise aussi l’exemple de La Galerie de tableaux de Philostrate pour montrer la mimesis sophistique, concept qu’on développe plus dans la section III : « ’on perçoit, dans les Descriptions des tableaux de cette galerie napolitaine dont personne ne peut dire si elle a existé et si Philostrate l’a parcourue, ou dans l’ekphrasis qui constitue le matriciel prologue de Daphnis et Chloé, qu’il ne s’agit plus d’imiter la nature e de montrer le phénomène dans son être, à l’aide des métaphores et à l’aune de la Poétique d’Aristote. Les choses décrites existent seulement comme géométral des mots et des récits, en une imitation d’ordre deux, imitation d’ouvres qui imitent, imitation de culture : non plus faire voir de l’être par un discours, mais faire entendre du discours par un palimpseste »’. L’Effet Sophistique, p. 15
[66] Voir sections ii et iii de la troisième section, dédiée à Philostrate et à la fusion littéraire qu’implique la seconde sophistique, caractérisée par une rhétorique « ’poétique »’ ou « ’productrice »’.
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